lun. Nov 18th, 2024

Après quelques mois de silence, le débat entamé il y a une bonne dizaine d’années, à l’époque du Jobs Act de Matteo Renzi qui en prévoyait l’introduction, sur une loi d’État pour la fixation des salaires minimums reprend vie. Une tâche que notre pays, contrairement à d’autres, a toujours confiée aux systèmes de négociation collective.

L’occasion est le projet de loi partagé par toutes les oppositions (à l’exception d’Italia Viva) qui prévoit un salaire minimum de 9 euros  brut par heure incluant, et ce n’est pas un détail marginal, tous les éléments de salaire. Le sujet est l’un des plus difficiles en matière de travail dans notre pays car il combine une grande facilité de narration avec une énorme complexité technique. En effet, dans une situation où l’urgence de la question salariale est évidente, et pas seulement en raison de la récente spirale inflationniste, imaginer une solution apparemment simple comme celle d’un minimum établi par la loi semblerait incontestable.

Et en effet, il devient de plus en plus difficile d’avoir un vrai dialogue sur le sujet. Mais il faut aussi avoir le courage de dire, en sachant précisément que l’on risque d’être facilement accusé de benalisme ou, pire, de vouloir maintenir les travailleurs pauvres dans une situation difficile, que le salaire minimum tel qu’il est envisagé ne résoudrait pas la plupart des problèmes  et en créerait même de nouveaux.

La première question à aborder concerne les principales causes du mauvais travail en Italie  qui résident dans une série de dysfonctionnements du marché du travail : temps partiel involontaire représentant plus de 60 % du total, stages extrascolaires qui ont plus que doublé au cours de la dernière décennie, plus de trois millions de travailleurs non déclarés, écarts de rémunération élevés entre les personnes employées dans le cadre de contrats à durée déterminée et indéterminée, faux numéros de TVA, écart salarial entre les hommes et les femmes. À cela s’ajoutent les conditions critiques d’une grande partie de la structure entrepreneuriale italienne, caractérisée par de petites entreprises, une forte présence de services à faible valeur ajoutée et une faible propension à l’innovation dans de nombreux secteurs. Des éléments que le salaire minimum ne toucherait en aucune manière.

Mais il y a un deuxième élément à prendre en compte qui se situe à un niveau encore plus critique, à notre avis. Le fait que l’autonomie collective s’autorégule, par le biais des systèmes de relations industrielles et l’instrument de la négociation collective est quelque chose qui va bien au-delà de la définition d’un salaire . Il s’agit d’un instrument permettant de réglementer de nombreux autres éléments, qui ont souvent une valeur économique, mais aussi une valeur organisationnelle et une protection supplémentaire par rapport à ce que la loi définit.

Il ne semble pas raisonnable de courir le risque qu’un nombre important d’entreprises, probablement celles qui sont le plus en difficulté et dont le comportement est déjà à la limite, se sentent légitimées par un salaire minimum d’État pour ne plus appliquer les négociations collectives et peut-être réduire les salaires pour les nouveaux employés.

D’autant plus que si, lorsqu’on parle de 9 euros, on pense immédiatement à un salaire net, les simulations sur les conventions collectives même de la quasi-totalité des secteurs faibles indiquent que les négociations atteignent et dépassent déjà ce chiffre lorsqu’il est considéré comme un salaire brut tout compris. . Si tel est le cas, la responsabilité incombe aujourd’hui entièrement au système de représentation des syndicats et des employeurs, qui a la responsabilité de montrer ces risques et les causes réelles du mauvais travail en Italie, mais aussi et surtout d’intervenir dans les problèmes qui se posent au sein de leurs propres systèmes.

En commençant par l’engagement de renouveler les contrats qui ont expiré depuis des années  qui laissent les travailleurs en proie à l’inflation, de l’expansion des espaces de représentation dans les secteurs où l’illégalité est endémique, à l’identification de systèmes d’autorégulation qui interdisent réellement la négociation collective non représentative, trop souvent choyée même par la politique. Sans tout cela, le monde de la représentation est destiné, tôt ou tard, à être submergé par le récit simpliste dont nous avons parlé. Le principal défi reste cependant celui de garantir à tous les travailleurs une existence libre et digne ; penser y parvenir en trouvant un chiffre pour chacun semble un raccourci (et une illusion) qui ne peut conduire qu’à de nouvelles déceptions. © REPRODUCTION RÉSERVÉE

By Nermond

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