mer. Nov 27th, 2024

À l’ancienne Alcoa, une bonne partie des 400 employés restent en dehors de la production et reçoivent 500 euros de subventions par mois. Chez JSW de Piombino (un ancien haut-fourneau qui produit maintenant des rails), 450 travailleurs sont en cig à zéro heure et 900 autres en rotation. Chez DEMA (aérospatiale), 300 emplois sont menacés après la décision de l’entreprise de fermer deux usines à Brindisi et de réduire les effectifs des deux autres, en Campanie. Chez GNH à Florence, 370 salariés sont licenciés depuis deux ans. Il y a aussi le cas macroscopique de l’ancienne Ilva à Tarente, où le fonds de licenciement extraordinaire pour 2 500 travailleurs vient d’être prolongé jusqu’au 31 décembre et où l’avenir de la production reste une énigme : un milliard était censé arriver du PNR pour la décarbonisation, mais au lieu de cela, il sera alloué à quelque chose d’autre. Ce sont là quelques-unes des crises les plus graves de la métallurgie italienne. Mais c’est tout le secteur qui est aujourd’hui plombé par les risques liés à la transition écologique et technologique : acier, automobile, électroménager, électromécanique et Tlc.

Les signaux économiques ne sont pas encourageants : en avril, selon l’ISTAT, la production industrielle italienne a baissé de 7,2% sur une base annuelle, et de 1,9% par rapport à mars, marquant ainsi le quatrième mois consécutif de réduction. Au Ministère de l’Entreprise et du Made in Italy (Mimit), il y a 57 tableaux ouverts pour des crises d’entreprise et ils concernent principalement le secteur de la métallurgie-mécanique avec environ 50 mille travailleurs impliqués (70% du total). Dans le secteur automobile, si le virage historique vers les voitures électriques n’est pas gouverné, un avenir peu réjouissant s’annonce, comme l’estiment les industriels du secteur : 70 000 emplois seront supprimés, dont 63 000 d’ici 2030. Mais même la sidérurgie doit faire face au défi environnemental alors que partout l’automatisation et la numérisation suppriment des emplois. Un panorama inquiétant qui a conduit la Fiom, la Fim et l’Uilm (les fédérations professionnelles de la CGIL, de la CISL et de l’UIL) à annoncer une grève nationale de quatre heures ces derniers jours pour inciter le gouvernement à prendre à bras-le-corps le problème industriel italien. Les travailleurs du centre et du nord de l’Italie s’arrêteront le 7 juillet et ceux du Latium et du sud de l’Italie le 10 juillet. Une « mobilisation du mérite, constructive, pas contre », comme la définit Roberto Benaglia, dirigeant de la Fim, parce que « l’industrie métallurgique souffre depuis longtemps de crises non résolues, de l’exclusion des investissements internationaux et de la désertification du sud de l’Italie » et qu’un « changement de rythme » s’impose. Une « grève d’avertissement », selon Michele Di Palma, secrétaire de la Fiom, car « nous ne voulons pas accompagner un processus de désinvestissement industriel, mais faire face à la transition et à la situation globale avant et non après la fermeture des usines ». Si les secteurs à fort contenu technologique et à haute valeur ajoutée ne résistent pas au défi de la transition, l’Italie en souffrira. Dès le mois de mars, la Fiom, la Fim et l’Uilm, ainsi que Federmeccanica et les industriels d’Anfia, ont demandé au gouvernement d’agir contre le risque de désindustrialisation, en commençant par le secteur automobile : en luttant pour un fonds européen extraordinaire et en renforçant l’allocation de 8 milliards sur huit ans décidée par le gouvernement Draghi pour la modernisation verte et numérique du secteur. Des investissements sur lesquels la France, l’Allemagne et l’Espagne sont en avance. Mais l’appel n’a pas été entendu jusqu’à présent et les fédérations ont décidé de franchir l’étape difficile de la grève, qui représente pour les travailleurs un sacrifice de leur salaire.

Demain après-midi, les syndicats seront reçus par le ministre Adolfo Urso à Mimit. Une table sur l’automobile, la sidérurgie et l’électro-industrie. Mais la convocation, notent les trois syndicats avec une certaine perplexité, n’est arrivée qu’après la nouvelle de la grève. Nous espérons qu’il s’agit d’une prise de responsabilité pour rattraper le temps perdu », commente Benaglia. Dans le secteur automobile, si à Termoli la gigafactory pour les batteries annoncée par Stellantis démarrera peut-être en 2026, c’est surtout la galaxie des industries connexes et des composants qui est menacée, où une myriade d’entreprises risquent de ne pas pouvoir résister à la concurrence parce qu’elles sont spécialisées dans la production de diesel et d’essence. Fiom, Fim et Uilm ne soutiennent pas le gouvernement qui, avec le ministre Matteo Salvini, qualifie de « folie » l’arrêt des voitures « thermiques » à partir de 2035 : ils sont convaincus que la course est désormais inarrêtable, les grands acteurs mondiaux réalisant d’énormes investissements dans les voitures électriques. « Le temps des multinationales n’est pas celui de la politique, car elles se partagent déjà les marchés alors que nous ne bougeons pas », fait remarquer Rocco Palombella, dirigeant de l’Uilm. Pour les syndicats, il faut plutôt « des stratégies industrielles qui empêchent les délocalisations, des acquisitions qui ne visent qu’à créer des dividendes pour les actionnaires et qui produisent une désertification industrielle, surtout dans le Sud ». Quant à la relance de l’industrie, « nous devons investir dans la formation pour faire face aux processus d’innovation technologique ». L’attractivité des investissements étrangers en Italie, qui ne dépend pas uniquement du coût de la main-d’œuvre, est un point sensible. En témoignent les investissements d’un milliard de dollars en France sur l’électricité annoncés par un groupe asiatique.

By Nermond

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