Samedi dernier, sur la place de Milan, dès que la secrétaire confédérale de la Cisl Daniela Fumarola a commencé son discours depuis la scène, en insistant sur la demande au gouvernement de « reprendre un dialogue structuré avec le syndicat », le refrain de la Fiom-Cgil de Gênes est parti des premiers rangs de manifestants : « Grève, grève, ge-ne-ra-le ! Au-delà des jeux de rôles typiques des manifestations – où les délégués d’une organisation clament quand le leader des « cousins » prend la parole et où les cadres de cette dernière l’applaudissent encore plus fort pour couvrir le désaccord des premiers – le tableau mis en scène sous l’Arche de la Paix est très révélateur non seulement des relations « dialectiques » entre la CGIL d’un côté et la CISL et l’UIL de l’autre, mais surtout de l’impasse dans laquelle se trouve l’ensemble du mouvement syndical. A tel point que, selon toute vraisemblance, ni le « dialogue structuré » espéré ne se réalisera, ni une action de protestation ne sera proclamée qui amènera le gouvernement à changer de cap de manière décisive.
Les contenus proposés dans le décret du 1er mai, en effet, ne se prêtent pas à une mobilisation de masse – et encore moins à une grève générale – au-delà du témoignage de trois manifestations réunissant quelques dizaines de milliers de délégués à Bologne, Milan et samedi prochain à Naples. La réduction du coin des cotisations, en effet, est peut-être partielle et expire à la fin de l’année, mais elle apporte tout de même quelques dizaines d’euros de plus dans les enveloppes salariales des travailleurs à bas revenus, et il est difficile de protester contre cela, sauf pour dire que, comme toujours, des augmentations de salaires beaucoup plus importantes seraient nécessaires. Même la correction partielle sur les contrats à durée déterminée – prévoyant une référence explicite aux conventions collectives signées par la CGIL, la CISL et l’UIL dans la mesure où elles doivent être coordonnées avec les clauses de renouvellement établies directement entre l’employeur et le travailleur en position de faiblesse – n’est pas une cible suffisamment importante pour appeler les travailleurs à la grève. Il en va de même pour le relèvement du plafond des bons de paiement dans certains secteurs, qui sont de toute façon limités. La seule mesure réellement incisive, de manière négative, pour les plus faibles est la réforme du revenu de citoyenneté qui laissera de côté les chômeurs pauvres qui n’ont pas de mineur, de personne handicapée ou de personne âgée dans leur foyer. Mais sur cette question, les syndicats, bien qu’ils aient rejoint l’Alliance contre la pauvreté, n’ont jamais été très chauds et, en fait, lors de la manifestation de samedi dernier, ils se sont limités à une brève allusion à la manière.
Plus que le contenu du dernier décret, c’est en fait la méthode utilisée par le gouvernement qui agace et inquiète la CGIL, la CISL et l’UIL. Pour ce qu’elle laisse entrevoir de la manière dont la majorité entend se mouvoir à l’avenir : seule. Ou, tout au plus, en se confrontant à des représentations différentes, en se tournant vers d’autres intérêts, plus proches de ceux de ses membres. constance composée de petites entreprises, de professions libérales, de travailleurs indépendants, de baigneurs, de chauffeurs de taxi, de restaurateurs, etc. Ce n’est pas un hasard si, la semaine dernière, le Premier ministre Meloni a déclaré aux experts-comptables qu’il souhaitait constituer la délégation chargée de la réforme fiscale avec eux, « et non avec ceux qui représentent les salariés, qui paient 78 % de l’Irpef », s’est plaint Maurizio Landini. Confirmant à Avvenire que le nœud du problème est de savoir avec quelle représentation on choisit de se confronter, avec quelles modalités – « pas la farce de la convocation de dimanche soir » – et que « la victoire électorale incontestable garantit effectivement une majorité au Parlement, mais pas nécessairement dans le pays, avec des millions de citoyens qui n’ont pas voté ou qui ont choisi d’autres options ». Et maintenant, sur la place, il y a le monde du travail qui dit clairement qu’il n’est pas d’accord et qui se plaint de ne même pas être écouté. Nous ne nous arrêterons pas tant que nous n’aurons pas réussi à influer sur les choix qui se font au détriment des travailleurs ». Epilogue cependant pas du tout acquis pour le leader de la Cisl, Luigi Sbarra, et au moins « prématuré » pour celui de l’Uil, Pierpaolo Bombardieri.
Ce qui vient de commencer est, en somme, une bataille sur la représentation sociale, sur la primauté du politique par rapport au syndical, sur une autre vision de la subsidiarité. Ce n’est certainement pas une nouveauté, au moins depuis l’époque du gouvernement Renzi qui a lancé la grande désintermédiation, en approuvant seul le Jobs Act et le bonus fiscal. Il a d’abord atteint un record de consensus, avant de se voir imposer la facture par les travailleurs-électeurs lors du référendum institutionnel qui a conduit à sa chute. Un scénario qui pourrait également se répéter pour le gouvernement Meloni, actuellement encore en pleine ascension consensuelle. Beaucoup dépendra de l’attitude et du contenu de la prochaine loi de finances, avec en annexe les réformes de la sécurité sociale, de la fiscalité et des institutions. Ce n’est que sur ces trois chapitres fondamentaux que les syndicats peuvent envisager – à l’automne – d’appeler les travailleurs à la grève générale. Mais là encore, avec beaucoup de difficultés.
En effet, si sur les pensions, le gouvernement parvenait à trouver les fonds pour financer un assouplissement, même partiel, de la loi Fornero – quota 41 ou quelque chose de similaire – il serait difficile pour les syndicats de protester. Mais surtout, la CGIL, la CISL et l’UIL risquent de se diviser, y compris en interne, sur les deux autres questions fondamentales : la fiscalité et les institutions. Certes, la perspective de la flat tax désarçonne et ne convainc pas totalement beaucoup, même au sein de la majorité politique, à vrai dire. Mais il faudra voir le projet final : quelle progressivité sera encore sauvegardée par les déductions/déductions, quel sera le traitement des charges familiales, comment le bénéfice sera-t-il réparti entre les différentes tranches de revenus. La Cisl et l’Uil estiment en effet qu’il n’est possible d’appeler les travailleurs à la grève qu’une fois que toutes les cartes sont découvertes, évaluées en profondeur, vérifiées avec leurs membres des différentes tranches sociales, seulement en cas de pénalisation réelle. Certainement pas de manière préventive. De même, en ce qui concerne la perspective d’une autonomie différenciée, à propos de laquelle, en réalité, certaines structures du Nord en particulier ne sont pas du tout critiques. Il suffit de dire qu’il y a quelques semaines encore, les fédérations scolaires CGIL, CISL et UIL ne s’accordaient pas sur un document critiquant les éventuelles nouvelles dispositions différenciées.
La perspective d’une grève générale est donc, à ce stade, celle d’une arme contondante. En raison des visions différentes au sein du mouvement syndical, de l’incertitude quant à une adhésion massive des salariés du public et du privé des petites et moyennes entreprises. Et surtout, parce que l’issue des manifestations est loin d’être prévisible. Comme l’a expliqué le secrétaire intellectuel de la CGIL, Bruno Trentin, le vrai problème n’est pas de proclamer une grève générale et de faire défiler les travailleurs, mais de savoir ce qu’il faut faire le lendemain. Quel changement peut-on obtenir après avoir activé l’arme extrême qu’est le syndicat ? La force actuelle de la majorité, face à une certaine faiblesse de la représentation syndicale et pire de l’opposition politique, suggère qu’un grand résultat pourrait difficilement être obtenu en inversant les stratégies contestées.
A moins que ce ne soit le gouvernement lui-même qui se trompe, en faisant trop confiance à lui-même et à ses propres forces. En faisant cavalier seul, sans tenir compte de tous les intérêts en jeu et surtout de l’intérêt commun. Par exemple, en finissant par pénaliser davantage la capacité de la santé publique à répondre aux besoins de tous, pour alléger le poids des impôts des plus riches. Ou en augmentant la flexibilité du travail sans donner de perspectives de stabilité aux jeunes et sans lutter contre l’énorme fléau du travail au noir dans notre pays, en semblant au contraire presque « faire un clin d’œil » aux entrepreneurs qui y recourent et aux fraudeurs fiscaux. Erreurs inexcusables, c’est « grève, grève, ge-ne-ra-le !