« Nous avons présenté une proposition articulée, que le gouvernement a appréciée et dont nous pensons qu’il a pris en compte certains aspects dans le dernier projet de réforme qui a été anticipé. Nous souhaitons maintenant qu’un large débat s’ouvre avec l’ensemble du monde du tiers secteur, des syndicats et des oppositions pour donner une vraie réponse aux personnes en situation de pauvreté ». Don Marco Pagniello, directeur de Caritas nzionale, lance un appel à vérifier les différentes options mais surtout à éviter les confrontations sur la lutte contre la pauvreté. C’est le bien des personnes qui est la véritable priorité ».
Commençons par votre proposition ( publié dans Avvenire du 31 mars). Caritas a également opté pour deux mesures distinctes à la place du Rdc : une allocation d’emploi (Al) et un revenu de protection (Rep). Pourquoi ?
C’est la direction indiquée par le gouvernement il y a plusieurs mois et nous pensons qu’elle est tout à fait partageable, compte tenu des difficultés et de la criticité de la mise en place actuelle du Revenu de citoyenneté, qui intègre deux objectifs différents (lutte contre la pauvreté et insertion professionnelle). D’ailleurs, un dispositif similaire a déjà été adopté par huit pays européens, dont plusieurs proches du nôtre (Autriche, France, Grèce, Portugal et Espagne). Suivant les modèles européens, il s’agit, d’une part, d’une mesure d’insertion professionnelle pour les personnes employables en difficulté économique et, d’autre part, d’une mesure de protection du revenu minimum pour les familles pauvres. Cibler deux mesures distinctes avec des profils clairement définis et différenciés, comme dans le cas de Rep et Al, présenterait plusieurs avantages. Tout d’abord, cela rendrait la gestion des interventions et l’organisation des services plus simples et plus efficaces. Deuxièmement, cela offrirait plus de possibilités de construire des réponses adaptées aux caractéristiques spécifiques des différents bénéficiaires. Troisièmement, elle permettrait aux bénéficiaires respectifs de savoir plus clairement ce qu’ils peuvent attendre et ce que l’on attend d’eux.
Quels sont les critères utilisés pour distinguer les personnes qui ont accès à l’une ou l’autre mesure ?
En principe, pour avoir accès à l’allocation sociale pour l’emploi (ASE), il faut non seulement se trouver dans une situation de difficulté économique, mais aussi avoir perdu son emploi il y a moins de trois ans et, par conséquent, avoir un profil professionnel qui permette une réinsertion plus rapide dans le monde du travail, grâce à des cours de recyclage spéciaux. L’AL est une mesure hybride, à mi-chemin entre une mesure de lutte contre la pauvreté et une mesure d’insertion professionnelle. Le Rep est une mesure d’aide au revenu pour les personnes en situation de pauvreté, il faut donc être pauvre pour en bénéficier. La principale différence est que l’AL s’adresse aux individus, car l’employabilité est basée sur des caractéristiques individuelles, alors que la Rep, qui est une mesure de lutte contre la pauvreté, s’adresse au ménage, car la pauvreté est d’origine familiale. Les deux mesures sont cumulatives : vous pouvez avoir droit à l’AL et, parce que vous vivez dans une famille en situation de pauvreté, votre famille recevra également la Rep, qui sera toutefois ajustée en fonction du montant de l’allocation sociale pour le travail. Les deux mesures sont basées sur la combinaison d’une contribution économique et de services de soutien qui, dans le cas de l’AL, sont des services de placement et, dans le cas de la Rep, des services d’accompagnement social.
L’une des critiques formulées à l’encontre du Rdc a toujours été qu’il sous-estimait le poids des enfants, ce qui avantageait les individus et pénalisait les familles. Comment votre proposition corrige-t-elle cette distorsion ?
Dès le suivi du Rdc effectué en 2021 par Caritas Italiana, nous avons souligné la nécessité de rééquilibrer la mesure, qui est aujourd’hui fortement déséquilibrée en faveur des individus au détriment des familles nombreuses (la mesure couvre 81% des ménages pauvres d’une personne, 36% des ménages pauvres de quatre personnes). Il faut commencer par réduire le quota pour l’individu, qui est aujourd’hui très élevé et qui, combiné à une échelle d’équivalence plate (c’est-à-dire qui ne varie pas en fonction du nombre de personnes), produit les distorsions que l’on sait. Il ne suffit donc pas de dire augmentons les seuils et les montants pour tout le monde, il faut penser à rétablir l’équité au sein de la mesure, en réduisant d’un côté et en augmentant de l’autre.
Dans votre projet, vous envisagez également des montants différenciés en fonction du coût de la vie dans les différents territoires. Considérez-vous qu’il s’agit là d’un système plus équitable ?
Encore une fois, le fait que le seuil du Rdc soit le même pour tout le territoire national a produit, dans un pays comme le nôtre caractérisé par une profonde hétérogénéité territoriale du coût de la vie, de grands déséquilibres : la mesure du Rdc couvre 95% des familles dans le Sud, 37% dans le Nord. De nombreuses personnes pauvres du Nord, qui se situent au-dessus du seuil en raison de leurs revenus mais qui souffrent d’un coût de la vie plus élevé et sont donc en situation de pauvreté absolue (l’ISTAT utilise des seuils différenciés), ne peuvent pas bénéficier de la mesure parce qu’elles n’entrent pas dans les critères fixés par le Rdc. Nous travaillons sur l’hypothèse d’un seuil national unique sur lequel se grefferaient des sous-seuils diversifiés par zone géographique et taille de la commune de résidence. La différence de coût de la vie ne se fait pas seulement selon que l’on habite au Nord, au Centre ou au Sud, mais aussi selon que l’on habite dans une petite commune plutôt que dans une moyenne ou une grande. Ne pas en tenir compte reviendrait à « être égal parmi les inégaux », comme le disait Don Milani.
Vous avez eu un entretien avec le gouvernement. Comment votre proposition a-t-elle été accueillie et surtout, comment jugez-vous les indiscrétions qui sont apparues ces dernières heures sur le projet de l’exécutif ?
Il y a eu une grande écoute et un partage de l’idée et de la méthode que nous avons proposées. Et c’est un très bon signe. Le dernier projet de réforme qui a vu le jour ces derniers jours nous semble avoir déjà intégré certaines de nos indications, même si plusieurs aspects restent à vérifier et à discuter. Mais l’heure est au concret et à l’esprit constructif pour pouvoir développer une perspective et un projet sur les politiques de lutte contre la pauvreté dans les années à venir. Nous devons tous nous concentrer sur ce point, dans l’intérêt des personnes en situation de pauvreté dans notre pays. Et c’est le signal que Caritas et l’Eglise veulent donner en ce moment : ensemble pour le bien et l’avenir des personnes en situation de pauvreté.
Lundi s’ouvrira la convention nationale des Caritas diocésaines. Quelles seront les questions centrales dont vous discuterez ?
Chaque périphérie, géographique et existentielle, avec son lot de marginalisation et de souffrance, peut et doit être protagoniste de processus de changement, de participation, de partage et de solidarité. Tel sera le thème de la 43ème Convention nationale de la Caritas diocésaine « A la croisée des chemins. Habiter le territoire, habiter les relations ». Nous serons à Salerne du 17 au 20 avril avec environ 600 directeurs et opérateurs de Caritas pour discuter de la façon d’aller vers les périphéries pour les ramener au centre. A la lumière du chemin synodal, cela signifie être proche des nombreuses âmes qui les peuplent, les rencontrer, accueillir leurs difficultés, leurs espoirs, leurs projets, mais aussi valoriser leurs talents, leurs ressources. Construire ensemble des communautés qui soient un ferment de fraternité.