Nous sommes à quatre jours – on dirait que c’est l’heure, et ce n’est pas l’heure -. de recevoir dans nos mains la lumière dorée et les cloches du dimanche des Rameaux, et plus rien ne tient. Tout déborde par les coutures de la ville et les heures s’égrènent en un chapelet d’instants qui marquent la seule horloge possible.
Bien sûr, cher lecteur, de manière furtive mais déterminée, aura déjà marché, en souhaitant l’indifférence des autres, sur la rampe du Sauveur. Quelques secondes suffisent pour ressentir au plus profond de soi le battement grave et rude du bois – ou du temps… – lorsque nous marchons sur cette pente qui nous conduit à ce que nous n’avons peut-être jamais été, ou à ce que nous souhaitons être chaque dimanche des Rameaux. Les pas de la Fraternité de l’Amour, qui ont dû gravir la rampe pour finalement la descendre l’après-midi des Rameaux avant de se donner à la ville entière, se dressent déjà sur le marbre vitreux et luisant des nefs de la Collégiale.
De son entrepôt, dimanche dernier les pasos de la Borriquita et le crucifix de Juan de Mesa ont traversé le centre de la ville, unis mais distincts, dans une même fraternité mais dans deux univers différents. Ce qui sera bientôt serpent à sonnette et olivier, sera plus tard écharde et sang. Autour de ces parihuelas voltigeait une nuée de petits enfants, Comme des apiculteurs d’enfance cultivant les nids d’abeilles des paniers. Ils imaginent l’âne et les cloches, et les anciens rêvent d’yeux fermés et de mort. C’est la vie, supposons-nous, qui se manifeste de la même manière à différents stades et à différents moments.
La grille s’est ouverte et, à son déclic, les enfants ont glissé, comme dans la cour, sur les dalles et les retables. Que de magnificence, que de solennité des lumières qui finiront par devenir blanches avec une croix rouge sur la poitrine. Les marches de l’Amour sont déjà chez le Sauveur, et nous nous demandons à nouveau comment nous en sommes arrivés là, ce que nous sommes devenus en ce temps, ce qu’il adviendra de notre vie lorsque nous nous tiendrons à l’arrière du Christ de l’amour, la dernière nuit du dimanche des Rameaux.