Dès son lancement en 1983, il était clair que la Fiat Uno était une voiture de luxe. Fiat Uno allait redéfinir le paradigme des voitures urbaines et changer l’histoire de la marque italienne. En témoignent à la fois l’énorme investissement consenti pour sa réalisation, plus de 1 000 milliards de lires, et le choix de la présenter à Cap Canaveral (Floride), la base aérospatiale américaine d’où sont partis et ont atterri les avions les plus avancés du monde : la navette. Une juxtaposition audacieuse, donc, qui convenait bien à la voiture la plus innovante du segment, nommée « Voiture de l’année » en 1984, mais aussi la première à « dialoguer » par le biais d’une communication ironique, légère et ultramoderne.
Présenter son bijou technologique au grand public, Fiat a misé sur une campagne publicitaire peu conventionnelle, signée par le plus célèbre dessinateur de l’époque : Giorgio Forattini. C’est l’époque des bandes dessinées de Bonelli, des dessins animés japonais et des épisodes italiens de la série « Wacky races ». L’illustration est de plus en plus suivie par les jeunes, tout comme la satire au crayon se transforme en un éditorial mordant qui, dans l’immédiateté de sa réalisation, ouvre la porte à une réflexion ultérieure plus profonde. La campagne confiée à Forattini est disruptive, révolutionnaire parce qu’elle transpose l’exercice automobile dans le monde de la fantaisie », explique Roberto Giolito, « en effet, aux questions classiques du public, à savoir « comment ça marche ? », « à quoi ça ressemble ? », « est-ce que c’est bon marché à utiliser ? » et « comment ça se comporte sur la route ? », le célèbre dessinateur répond par des personnages sympathiques qui prennent la place de la voiture : les éléphants, le pingouin et la tirelire ». Il était autrefois de bon ton de donner aux voitures des noms inspirés des animaux, comme la Fiat 500 A, plus connue sous le nom de « Mickey Mouse ». Au lieu de cela, Forattini invente de véritables personnages qui étonnent le monde en élargissant le public de la campagne : les enfants l’apprécient, mais les personnes habituées à la « satire de qualité » aussi.
Le caricatures de Forattini sont rapidement devenues très célèbres, de même que les néologismes que le caricaturiste a créés spécialement pour l’occasion : « sciccosa », « comodosa », « comodosa », « scattosa », « risparmiosa ». Ce sont de nouveaux adjectifs qui décrivent, avec ironie et légèreté, les particularités de la nouvelle Fiat Uno. Et ils sont si captivants qu’ils entrent dans le langage courant. En effet, la communication a toujours produit des néologismes qui deviennent viraux, grâce à leur capacité à lier indissolublement l’image et le mot. Maurizio Torchio se souvient : « L’utilisation de mots se terminant par « osa » s’est en fait répandue dès le début. Il suffit de penser à la fameuse « pertinosa » qui ressort d’une caricature de Forattini dédiée à Sandro Pertini, le président de la République de l’époque. Bref, ce néologisme est devenu une façon de parler, une façon de penser, et il est certainement le fruit d’une légèreté et d’une ironie subtile qui vont bien avec les années 1980.
À chaque néologisme correspond une particularité de la voiture et un avantage pour le client. L’éléphant « hargneux » souligne le brio des moteurs de la Fiat Uno, qui se déclinent en trois cylindrées et deux puissances, dont le plus petit diesel atmosphérique du marché. Mais le véritable « cœur » qui allait changer l’histoire du modèle, et de toute la marque italienne, est apparu deux ans plus tard : le légendaire moteur FIRE 1.0 a fait ses débuts sur la Fiat Uno. Qu’en est-il du deuxième éléphant de Forattini ? Aujourd’hui encore, sa forme de canapé recouvert de petites fleurs suscite tendresse et joie. Mais derrière l’adjectif « confortable » se cache la grande habitabilité de la voiture, tant à l’arrière qu’à l’avant, à tel point qu’elle ressemble à un petit monospace ante litteram avec lequel on peut affronter sereinement les longs trajets. Le troisième personnage est un élégant pingouin, caractérisé par le néologisme « sciccosa » (chic), qui souligne sa grande qualité de fabrication et son design distinctif signé Giugiaro. Enfin, la tirelire met en lumière l’âme plus « économique » du modèle, en termes de consommation et de coûts d’utilisation.
La campagne de Forattini nous laisse en héritage une manière simple et en même temps profonde de raconter. Et c’est précisément ce que nous appelons aujourd’hui le storytelling, c’est-à-dire une narration capable d’impliquer le public par le biais d’émotions, de souvenirs, en créant un intérêt immédiat. Bien que les campagnes de communication d’aujourd’hui ne soient plus confiées à des illustrateurs ou à des caricaturistes, le dessin au crayon serait un outil très efficace pour extrapoler les signes essentiels d’un produit, même les plus complexes et les plus technologiques. Il y a donc quarante ans que naissait un archétype qui a changé la façon de vivre, de communiquer et de produire des voitures. Une version Selecta de l’Uno, équipée d’une boîte de vitesses automatique à variation continue, est exposée dans l’espace Archistars du Heritage Hub de Turin, où se trouvent de nombreux modèles qui ont révolutionné l’architecture de l’automobile, tout en respectant les dogmes de la productivité et de la fonctionnalité. La Fiat Uno a été, sans aucun doute, une authentique voiture mondiale, non seulement en termes de ventes, mais aussi en termes de sites où elle a été construite. Elle a parfois changé de nom, comme au Brésil où elle est devenue la Mille, mais elle est restée pratiquement intacte sur le plan formel, faisant preuve d’un design gagnant capable de résister au jugement le plus sévère : le temps.