Ce sont quelques mots qui ont beaucoup de poids : « Reporté sine die ». Après le premier vote du Parlement européen le 14 février, l’Europe a décidé de faire marche arrière sur l’arrêt en 2035 des voitures à essence et diesel. Désormais, tout est à refaire en haute mer. Et l’Italie, cette fois chef de file de ce processus déclenché dans l’Union, se réjouit, même si le tournant s’est produit à Berlin. Tôt dans la matinée, la réunion tant attendue des représentants permanents auprès de l’UE a constaté, comme mercredi, l’impossibilité de poursuivre l’approbation du règlement.
Le Premier ministre Giorgia Meloni parle d’un « succès italien ». Il est juste de viser l’objectif de zéro émission de CO2 dans les plus brefs délais – poursuit-elle -, mais il faut laisser la liberté aux Etats d’emprunter la voie qu’ils jugent la plus efficace et durable. Cela signifie ne pas fermer a priori la voie vers des technologies propres autres que l’électricité. C’est la ligne italienne qui a trouvé un large consensus en Europe ». Autrement dit, chaque pays doit moduler la transition des moteurs thermiques vers les moteurs électriques en tenant compte de sa propre réalité, qui est aussi faite de personnes et d’emplois. « Une transition durable et équitable, résume le premier ministre, doit être soigneusement planifiée et conduite pour éviter des répercussions négatives en termes de production et d’emploi ».
Après que l’Italie, la Pologne et la Bulgarie se soient déclarées contre, c’est l’Allemagne qui a exigé une contrepartie adéquate sur les carburants… e-carburantsà ne pas faire confiance : la minorité de blocage nécessaire pour rejeter le règlement était ainsi constituée. La présidence suédoise, confrontée à un vote qui aurait ébranlé la Commission, a donc reporté le dossier. Ce n’est pas tout : le point a également été retiré de l’ordre du jour du Conseil des ministres de l’UE du mardi 7, où la ratification formelle du texte était attendue.
Bref, un véritable séisme, qui a contraint la Commission, et en particulier le vice-président Frans Timmermans, à une réflexion approfondie. « L’objectif reste la neutralité technologique. Nous sommes en contact avec les États membres sur les nouvelles préoccupations qui ont émergé », a déclaré la porte-parole de l’exécutif européen, Dana Spinant, tentant de masquer la déception qui sévit au Berlaymont. Bruxelles, pour briser le mur allemand, va tenter de travailler sur le prologue du texte proprement dit, et notamment sur le point où « la Commission évaluera les progrès vers l’objectif ».
C’est dans ce cadre qu’un compromis avec Berlin sera tenté. Ursula von der Leyen, dimanche, est attendue à une réunion du gouvernement fédéral au Schloss Meseberg et ce pourrait être l’occasion d’en discuter. Après tout, le gouvernement allemand est divisé sur les dossiers environnementaux : les libéraux (avec le ministre des finances Christian Lindner et le ministre des transports Volker Wissing) sont contre, les Verts sont pour et le SPD est pris entre les deux. En Italie, en revanche, le gouvernement est tout uni. La Lega et le Fdi se réjouissent, tandis que Fi évoque la » défaite politique » de Timmermans. « L’électricité ne peut pas être la seule solution pour l’avenir, d’autant plus si elle continue, comme aujourd’hui, à être un secteur pour quelques-uns », a souligné le ministre de l’Environnement Gilberto Pichetto. « L’Italie a réveillé l’Europe », a ajouté son collègue Adolfo Urso, titulaire du ministère des Entreprises, qui avait sondé jeudi le non de Rome lors du Conseil « Compétitivité ».
La position de la Pologne est également ferme, mais elle a ajouté un appendice qui va dans la direction opposée à celle de l’Italie : l’opposition également à la dérogation dite « Motor Valley », pour les fabricants de voitures de luxe. Le sentiment est que la transition écologique et numérique est l’une des pistes sur lesquelles les slogans et les alliances vont courir pour les prochaines élections européennes. D’un côté, les Verts, le centre-gauche et les M5 ; de l’autre, un centre-droit formé par le PPE, l’Ecr et une partie de l’Id, qui, ce n’est pas un hasard, a voté contre lors de la plénière du 14 février. Mais d’ici les élections européennes, la trajectoire de la « Fit for 55 » devient beaucoup plus infranchissable : sur les normes pour Euro 7, pour les l’emballage et pour les véhicules polluants lourds, l’Italie a déjà annoncé une bataille. Et l’entreprise pourrait augmenter.