A travers la toile ocre qui divise la ville en trois plusieurs branches, sèches et incolores, jaillissent, nées du fond des entrailles du temps. Comme si elles s’étaient arrêtées à jamais à travers les siècles, la rouille des balcons imite leur chair usée entre les tuiles brunes, d’où poussent mousses et flocons. Tout au long de ce portrait il y a de la place pour la beauté : parce qu’au milieu de tant d’artifices et de décorations, au milieu de tant de surfaces prétendues, la ville qui nous a quittés prend l’air et remue les vagues de notre mémoire.
L’étang, encastré dans les angles de l’Alcazar, ne cesse pas dans la pulsation de son cycle. L’eau jaillit, se reproduisant sans cesse dans un gargouillis métallique qui indique la vie, l’expression, l’aide. Autour de cet espace presque imaginaire, un silence douloureux et endeuillé tourbillonne, mis en boîte dans différentes dimensions, nuancé d’étoiles et de géraniums. Par le Callejón del Agua arrive le Cristo de las Misericordias (Christ de la Miséricorde)transposé en humanité et dépouillé de toute dotation céleste. Il est un de plus parmi nous ; à tel point que nous l’entendons respirer, ou plutôt haleter, mendier dans la voûte bleue de son quartier un infini où poser ses yeux. étranger à cette même réalité. Mains contre mains, échardes contre échardes. Les frères de Santa Cruz, comme chaque premier vendredi de mars, placent leur Christ sur leurs épaules et prient les stations dans les derniers instants de l’hiver. Le printemps sera bientôt làBientôt il y aura du soleil, de la lumière, de la clarté, de la couleur. Maintenant tout est chair, paix, lamentation, la ville entière dans un coin qui s’anime… Et quelques soleares : « Por el madero del tiempo / están despuntando astillas / que se me clavan muy dentro… / Des infinités de bleu… / De quels cieux le Christ de Santa Cruz n’aura-t-il pas rêvé ! »
Croissance exponentielle
Le Christ de la Misericordias a présidé hier soir sa traditionnelle chemin de croix dans les rues de son quartier.qui, pour quelques heures, retrouve le rythme naturel de son histoire et abandonne l’exil forcé vers le piège. C’est sans doute l’un des plus beaux actes de tout le Carême à Séville : la sculpture, l’environnement, le parcours, la procession elle-même, la proximité de l’image… Des ingrédients parfaits qui, chaque année, suscitent l’intérêt d’un grand nombre de personnes. grand nombre de fidèles et de curieux, à tel point que l’accès au quartier juif et aux rues plus étroites est une entreprise difficile. Attente jusqu’à une demi-heure pour contempler, au premier rang, cette image sinistre du mardi saint.
De nombreux frères se souviennent d’autres temps quand le la participation était minimale (même les frères et sœurs ordinaires étaient invités à porter le crucifix, d’où l’absence de toute sorte de procession, à part les acolytes et la musique de la chapelle). Aujourd’hui, non seulement plus de frères et de sœurs viennent, mais aussi toutes sortes de frères et de sœurs qui ont découvert, non sans un certain sens du goût et du jugement, le joyau qu’est ce chemin de croix. Le Cristo de las Misericordias (Christ de la Miséricorde) passe par le quartier juif.et dans l’esprit, apprise comme une leçon de philosophie de vie sévillane, la vers de Cernuda martelant le retour, ceux du magnolia, ceux des flocons de neige des fleurs, la porte fermée…