J’appartiens au Cristo de la Salud. Et je le serai toujours, malgré nos désaccords et nos promesses non tenues. Je serai, sans courbette ni imposture, de la rue Gallinato au milieu de l’après-midi. Dans l’un de ses frais portails, que personne n’a jamais habillé et qui semble si loin de mes racines, nous avons attendu le crucifié de San Bernardo. Sur les inégalités de la rue, entre les capuches et les embrassades, nous l’avons vu apparaître sur les hauteurs comme suspendu aux nuages (Lutgardo García dixit). Et j’appartiendrai toujours à l’artillerie, à marcher derrière lui sans savoir pourquoi, à grimper sur le pont comme pour essayer de trouver une route directe vers le bleu des retrouvailles.
Mais j’appartiens aussi à la Vierge du Refuge. Au cours de la semaine sainte qui a précédé la pandémie (je serai toujours reconnaissant à mon ami Juan José García et au conseil d’administration), j’ai été proche d’elle de manière imméritée tout au long de l’après-midi de cet imprévisible mercredi saint. Et je n’oublierai jamais l’impression qu’elle m’a faite en passant dans les rues de son quartier, avec le soleil sur les épaulettes de sa cape. Applaudissements, acclamations, célébration, joie ? Tout le temps, toute la journée, toute la nuit. Abel Moreno à Santo Rey, Sonneurs de cloches sans cesse, Rocío… Cette semaine sainte où toute une identité se concentre autour d’un même aimant.
Pendant ces jours, ma Confrérie de San Bernardo a célébré la vénération de la Virgen del Refugio, que nous aimons tant et à laquelle nous vouons tant d’affection. Et l’avoir en face de nous, aveuglé par cette lumière que seules les âmes pures et enfantines dégagent, les siècles de ce quartier, sa physionomie presque vierge, les noms majuscules de ses rues en route vers son huit centième anniversaire, l’enfant qui n’est plus un enfant, la grand-mère et la mère qui ne sont plus là même si nous voulons les faire revenir, le battement des tuniques dans le corral qui vous est projeté aujourd’huiidéalisé et chaleureux, dans la patine d’un souvenir ? Dans ces lèvres roses, dans ces sourcils fendus de tendresse, dans ces pommettes ouvertes et brûlantes, comme deux lunes dans le satellite de la mémoire…
Elle est la Vierge de Saint Bernard. Et nous ne serions rien sans elle.