Dans un de nos précédents articles, nous avons abordé le sujet de la récupération historique du patrimoine matériel des confréries. Plus précisément, nous nous sommes concentrés sur la partie textile : principalement le sac, et quelques touches sur les tuniques des Nazaréens. Et, comme support à la question, nous avons fait un voyage dans le temps pour nous souvenir de ces anciennes impressions (planches, gravures, photographies primitives) qui, dans bien des cas, nous semblent inimaginables aujourd’hui.
D’autre part, il existe des oasis qui ont survécu au désert du temps. Ils n’ont pas succombé à la voracité du sable et de ses chaînes de montagnes irrégulières. Ce ne sont pas des fossiles, car ils sont encore vivants. Ce sont des vestiges tangibles, des reliques manifestées sur l’autel infini de la Semaine Sainte. Nous n’utilisons pas ici la question de la résurgence ou de la renaissance. Ce sont des instantanés qui, en couleur et à notre époque, jaugent l’âge de notre festival.
Jusqu’au début du XXe siècle, la Vierge de la Vallée était portée en procession dans son paso de palio avec Marie-Madeleine et Saint Jean, formant ainsi la Conversation Sacrée, une iconographie dans laquelle la Vierge apparaît accompagnée de ces deux saints, bien que dans le Quattrocento italien elle ait été postulée comme un genre pictural à part entière. La confrérie du Jeudi Saint a été pionnière dans la représentation de ce groupe dans la Semaine Sainte espagnole : ses origines remontent à cent ans, en 1807. Un conduit étroit mais élégant traverse la table du paso, au-dessus de laquelle se trouve un candélabre très bas et peu abondant. Quelques lanternes parsèment le tapis de bougies, qui s’élèvent timidement jusqu’à l’imposante représentation. Le baldaquin, inchangé, couronne un tableau qui ressemble, avec une fidélité éprouvée, à celui de n’importe quel dimanche de Pâques.
Il y a quelques mois, l’Archiconfrérie a partagé sur Internet une photographie de Jaime Rodríguez – à la joie et au bonheur des confrères contemporains. Elle ne montre que la Vierge, Saint Jean et la Madeleine. Rien d’autre. L’atmosphère est inexistante : absence totale d’éléments étrangers. Comme si nous traversions la Judée elle-même, un rayon de lumière nocturne assaille la scène et, devant nous, toute la beauté se dresse. Le disciple exige et interroge ; la sainte, de profil, laisse tomber un croissant sombre de ses cheveux sur sa poitrine. Suggestive et puissamment féminine, elle tente de converser avec John. La broderie, indéniablement artisanale, renverse les espaces et les contours. La géométrie des formes agresse la totalité de la coloration et nos yeux se diluent dans leurs formes.
Au centre, avant toute chose, Marie. Les soleils du sac cherchent dans l’horizon de sa taille, l’océan définitif du jeudi saint, un coucher de soleil dans lequel s’éteindre, un vide dans lequel mourir. Pendant ce temps, dans la piscine de son regard, les étoiles que nous n’atteindrons jamais sont vertes. C’est la Vierge de la Vallée. C’est le temps, qui ne passe pas.