Notre Luis Cernuda clôt l’un de ses poèmes les plus cités sur des thèmes « cofradiera » (si l’on peut utiliser cette expression, sachant que l’œuvre de Cernuda dépasse bien sûr sa section la plus localiste) par le vers suivant Et in arcadia egoun memento mori récurrent dans l’histoire de l’art et de la littérature. Au-delà d’être une région du Péloponnèse, l’Arcadie était pour les artistes et les écrivains un lieu où retourner afin de profiter à nouveau des plaisirs terrestres dont la mort nous a privés.
Pour Cernuda, l’Arcadie a été son enfance, sa seule nation et sa patrie absolue. Retourner à Arcadie, c’était retourner à sa terre perdue pour toujours, et là-bas, au Mexique, il attend toujours d’être récupéré, englué dans les jaramagos de l’oubli institutionnel et diplomatique. Pour de nombreuses cofrades – pour reprendre cette métaphore cernudienne – l’Arcadie est la Semaine Sainte elle-même, l’enfance dans laquelle nous nous réveillons chaque dimanche des Rameaux et dont nous ne voulons pas nous échapper pendant ces sept jours où un grand oiseau violet (Núñez de Herrera dixit) traverse la ville pendant sept jours.
Cette métaphore, aussi belle et éloquente soit-elle, n’en est pas moins récurrente ou habituelle dans les textes et les écrits. Cependant, il existe un épisode de notre vie au cours duquel je crois que nous sommes vraiment formés sous tous les aspects : l’adolescence. En la traversant, nous prenons nos premières décisions, nous façonnons nos cercles sociaux, nous développons notre personnalité et nous atteignons les premiers bourgeons de la liberté. Et mon adolescence (et je suis sûr que c’est le cas de beaucoup d’entre vous), mes premières expériences conscientes – pas raisonnables, il n’y a pas de place pour la raison dans notre festival – de la Semaine Sainte à Séville, sont invariablement liées aux petits matins de ces premiers jours de la semaine. En ces nuits du lundi de Pâques, je développais une certaine rébellion envers ma famille, peu habituée à des rites indignes d’un garçon de seize ans, qui voyait dans les entrées des dernières confréries de l’époque un monde fascinant et diversifié. Pour l’ambiance, pour le comportement des membres de la confrérie eux-mêmes, pour la ville elle-même, si différente et si semblable par rapport aux heures du midi à Tiro de Línea ou Tardón…
Le 15 octobre dernier, sur la Plaza del Museo, j’ai retrouvé cette adolescence et je me suis souvenu de mon père s’appuyant difficilement, un lundi de Pâques quelconque, sur l’un des murs de l’ancien couvent, endormi et vaincu, impassible aux cymbales et à la sonnerie du clairon, attendant l’entrée de la Virgen de las Aguas. Le son de Notre Père Jésuscomme par le passé à Hernando Colón, dans un virage mémorable que ceux d’entre nous qui étaient là n’oublieront jamais, sur le coup de minuit, comme toujours et sans hésitation. Puis vint son départ. Il tourne sur lui-même. M U S E O entre les mailles, les ombres et les portes à travers le balcon de la place. Et la Virgen de las Aguas, sur le point d’entrer, tenait à nouveau dans ses mains le papillon blanc de notre adolescence.
Vidéo publiée avec l’aimable autorisation de la chaîne YouTube de la Banda Municipal de Música de La Puebla del Río.