dim. Déc 22nd, 2024

Malgré la pénombre et la seule lumière possible des quatre torches et des cierges portés par une vingtaine de frères, sur le fond pointu de la nef se dressait toute une chaîne de montagnes aux hauteurs irrégulières, un éventail de champs de blé soldat qui attendait la flamme unique qui les consumerait. La sculpture très personnelle de Jesús de las Penas recèle une condition – une vertu – inestimable dans les images sévillanes : elle ne suscite jamais l’indifférence. Le transfert de l’image vers son autel quinaire, toujours avec le bonbon sur les lèvres et sur les trottoirs, réunit chaque année de plus en plus de confréries, qui interprètent cet acte comme un temps dans le temps lui-même. Les coplas de Pantión accompagnent un culte très bref mais profond, chargé de symbolisme spatial et émotionnel. C’est peut-être dans cette condition que réside son attrait : dans la préservation du sens de la mesure, dans la proximité sans perdre sa hauteur spirituelle, dans l’atmosphère amicale du sentiment de retrouvailles.

Lorsque le Seigneur est placé devant le presbytère de l’église, son caractère de retable frontal est réaffirmé. Malgré les modifications, on peut encore imaginer le couvent de la Casa Grande del Carmen et la niche qu’il a occupée pendant des siècles. Un tapis de lumières pâles sert de base à la verticalité de l’autel. Les lumières artificielles reviennent et tout s’estompe, comme si nous avions atteint pour quelques instants une dimension irréelle et parallèle.



Ce dimanche, la Hermandad de las Penas célèbre sa Fonction principale, qui pendant ces cinq jours de quinaire a disposé tout un orgue dans lequel tous les pentagrammes de lumière ont été interprétés. L’équilibre ascendant compense la chute irréversible du Seigneur, élevé au-dessus de toutes choses et flanqué d’une forêt en feu. A sa gauche se trouve Saint Jean (l’un des plus accomplis de l’imagerie contemporaine) et à sa droite la Vierge des Douleurs, qui ne demande qu’un regard pour soutenir et compléter la verticalité de l’ensemble.

En surfant sur le web, nous sommes tombés sur une photographie de Domingo Pozo qui capture l’un des visages les plus délicats de notre Semaine Sainte. Dans son expression concentrée et solitaire, sur les hauteurs de l’autel, il y a encore de la place pour la tendresse et, bien sûr, la beauté. Et c’est une beauté naturelle, simple, sans additifs étrangers à sa propre conception : lèvres entrouvertes, paupières ombrageant les pupilles… Ce sera au début du mois d’avril que nous nous rendrons à San Vicente pour rencontrer, face à face, la Virgen de los Dolores. Ces retrouvailles clôturent un cercle qui commence en janvier et se termine quelques heures avant le dimanche des Rameaux. San Vicente et son échelle de lumières. Une carte postale avec un temps qui lui est propre.

By Nermond

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