dim. Déc 22nd, 2024

Le « delirium », un trouble cérébral, touche surtout les personnes âgées hospitalisées. Des conséquences graves sont possibles. On recherche donc de nouvelles approches pour le traitement

Des murs en bois chauds et incurvés, des écrans lumineux sophistiqués au plafond et des couleurs claires et agréables : Ce qui ressemble aux salles de traitement d’un temple du bien-être, ce sont deux chambres de l’unité de soins intensifs de la Charité de Berlin qui sont au service de la recherche. On y étudie comment les patients peuvent être préservés du délire – un trouble cérébral qui survient fréquemment chez certains groupes à risque. « Le délire est un dysfonctionnement d’un organe du cerveau », explique Claudia Spies, anesthésiste à la Charité, qui étudie cette maladie depuis des années. « Pour un délire, il n’existe toutefois pas de tensiomètre comme pour la circulation sanguine, de sorte qu’il n’était souvent pas reconnu auparavant ».

L’éventail des facteurs déclencheurs est large : les infections chez les personnes âgées en font partie, tout comme les états douloureux, certains médicaments, le manque de liquide, les maladies cérébrales et surtout les interventions chirurgicales importantes. Pour les personnes âgées en particulier, le séjour à l’hôpital qui s’ensuit représente une charge énorme. L’environnement inconnu, les visages inconnus, la peur et le stress ainsi que les examens eux-mêmes peuvent avoir des conséquences importantes sur la santé et favoriser un délire.

Ses symptômes vont de la confusion aiguë, de l’agitation et du besoin de fuir aux hallucinations – selon le type de trouble, une distinction étant faite entre le délire hypoactif et le délire hyperactif. Alors que dans le second, les patients font souvent preuve d’un comportement agressif, dans le premier, ils se replient sur eux-mêmes. « Les patients atteints de délire hypoactif sont souvent ignorés : Comme ils sourient souvent gentiment et parlent peu, le personnel ne les remarque souvent pas », explique Spies.

Les patients âgés de plus de 70 ans sont particulièrement touchés par le delirium, explique Christine Thomas de l’hôpital de Bad Cannstatt. Elle dirige la clinique de psychiatrie et de psychothérapie pour personnes âgées et a été l’une des premières en Allemagne à se consacrer au thème du délire. Les causes n’ont pas encore été entièrement étudiées, mais l’une des causes principales est un manque d’acétylcholine (AC), un neurotransmetteur, dans le cerveau. L’AC a une importance centrale pour les fonctions cognitives, l’éveil (vigilance) et le rythme veille-sommeil. Si le circuit de l’AC est perturbé, tout se dérègle. Avec l’âge, le taux d’AC diminue de toute façon, ce qui rend les personnes âgées plus vulnérables au délire.

Délire : les personnes âgées sont particulièrement vulnérables

Thomas souligne qu’un délire peut survenir en quelques heures ou quelques jours et avoir de graves conséquences. Contrairement à ce que l’on pense souvent, ce trouble n’est pas seulement synonyme de confusion momentanée, mais peut entraîner des complications importantes, notamment des chutes, de l’incontinence et des troubles cognitifs à long terme. On ne sait pas encore si le délire peut même déclencher une démence. « Mais il agit probablement comme un catalyseur », explique la psychiatre.

Au total, l’Office fédéral des statistiques a enregistré près de 42 000 cas de delirium en 2014, contre environ 40 000 l’année précédente. A cela s’ajoute le nombre de cas de delirium non reconnus, estimé entre 30 et 60 pour cent. Les experts estiment en outre que le délire augmente la mortalité des patients de 20 pour cent. Une étude menée aux Pays-Bas a révélé que 85 pour cent de tous les patients atteints de délire et âgés de plus de 70 ans étaient déments ou décédés deux ans après le diagnostic.

Pour Rebecca von Haken, anesthésiologue à la clinique universitaire de Heidelberg, les effets du delirium sont comparables à ceux d’un traumatisme crânien moyen. Selon elle, c’est surtout la durée du délire qui est un facteur déterminant. « C’est pourquoi il faut agir immédiatement en cas de diagnostic correspondant ». Or, selon lui, c’est justement chez les personnes âgées que le thème de la confusion est sensible et empreint de honte. « Le cerveau est un bien sacré aussi bien pour les patients que pour les soignants – que quelque chose ne tourne pas rond dans ce domaine est une vision d’horreur pour les deux parties ».

Les proches jouent un rôle crucial dans les nouvelles approches de traitement du delirium. Ils reconnaissent souvent très tôt que leur membre de la famille malade est plus que simplement confus. Et ils peuvent aider à la réorientation et à la mobilisation précoce, sait l’infirmier en soins intensifs Michael Dewes du Centre Hospitalier Emile Mayrisch à Esch-sur-Alzette, au Luxembourg. Les soins infirmiers sont particulièrement demandés lors du traitement, car ils se trouvent particulièrement près du patient.

« Pour les soins, le delirium représente une tâche énorme, mais aussi une grande chance », souligne Dewes. De nombreuses mesures courantes dans le quotidien des soins favorisent le délire. « Souvent, les patients sont par exemple mis sous sédation pour pouvoir être lavés, ou la toilette est reportée à la nuit pour des raisons d’organisation », explique-t-il. Or, la sédation et un rythme jour/nuit perturbé font partie des facteurs qui favorisent le délire.

Un environnement personnalisé, adapté au patient, est utile, par exemple en accrochant des photos de la maison. Des horloges et des calendriers permettent de s’orienter, et l’implication des proches apporte de la sécurité. Une communication non-violente est également nécessaire, poursuit Dewes. Toutes ces mesures ne sont toutefois pas compatibles avec l’équipement et l’aménagement actuels de nombreuses unités de soins intensifs. « Nous avons besoin d’un autre taux d’encadrement et de plus de temps pour le traitement des patients », demande l’infirmier.

Les dépistages sont importants pour le diagnostic du delirium

Les dépistages sont essentiels pour le diagnostic du delirium. Ce qui n’est pas dépisté n’est pas vu, selon Dewes. Les procédures de test correspondantes ne sont déjà standardisées que dans quelques cliniques en Allemagne. A l’avenir, des procédés d’imagerie devraient également être utilisés : Aux Pays-Bas, des scientifiques travaillent sur des appareils capables de détecter les états délirants du cerveau.

Les deux chambres expérimentales de soins intensifs, dans lesquelles des recherches sont menées à la Charité, jouent également un rôle important. Ici, par exemple, le niveau de bruit habituel dans les unités de soins intensifs est nettement plus faible. Des panneaux lumineux au plafond permettent des projections adaptées aux patients : La vue de la verdure étant censée apaiser la douleur, des feuilles vertes sont projetées pour offrir une protection au patient, tel un cocon.

A la fin de la phase expérimentale, les observations recueillies ici doivent permettre d’établir un catalogue de mesures permettant de prévenir ou d’atténuer le délire sans médicaments. Le programme américain et canadien « help+ » (Hospital Elder Life Programm) de prévention, de diagnostic et de traitement du delirium va également dans ce sens. Les patients sont pris en charge de manière intensive avec l’aide de bénévoles.

Qu’il s’agisse de « help+ », de nouvelles chambres de soins intensifs ou de procédures de dépistage : Ils indiquent tous un changement de mentalité dans la médecine intensive, où le patient lui-même et son bien-être redeviennent la référence.

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AZ/dpa

By Nermond

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