Cher rédacteur,
J’ai lu et réfléchi à l’éditorial que Francesco Riccardi a consacré à la fête du travail dans l’Avvenire du 30 avril. Je voudrais que, contrairement à ce que quelqu’un a dit il y a quelques décennies, on puisse dire que c’est le travailleur qui ennoblit le travail, n’importe quel travail, et non l’inverse en renversant les valeurs sur le terrain. Je voudrais que la célébration soit réelle et vraie et qu’elle ne soit pas l’occasion d’accusations instrumentales et d’insultes, ni d’une propagande basse et vulgaire. Je voudrais qu’elle soit la célébration d’une véritable fraternité et non celle de l’inconvenance et de la contestation, des drapeaux qui divisent et des insignes de la haine. Je voudrais que tous, travailleurs et employeurs, puissent célébrer ensemble le 1er mai et que ce jour ne soit pas, comme aujourd’hui, l’occasion d’accusations mutuelles d’exploitation et de mépris de l’engagement personnel. Malheureusement, cela n’a jamais été le cas, géré par des intérêts partisans. Il n’y aura donc pas de propositions sérieuses d’amélioration pour les travailleurs et les conditions de travail. Ce qui restera, malheureusement, c’est la haine de classe savamment entretenue par les uns et les autres, et aucun des acteurs sur le terrain ne fera le premier pas pour se reconnaître comme des frères et des sœurs parce qu’ils sont les enfants d’un même Père. Ainsi, les mots de Riccardi seront comme les miens, des mots jetés au vent….
Santo Bressani Doldi
Je souscris pleinement à vos propos, aimable Dr Bressani Doldi, auxquels le directeur me demande de répondre. Vous rappelez tout d’abord à juste titre la primauté de la personne sur le travail. Car s’il est vrai qu’en général « le travail ennoblit l’homme », comme on dit, la dignité de la personne est une valeur incompressible qui ne peut jamais être dévaluée. Même lorsqu’une personne ne travaille pas, qu’elle échoue ou qu’elle est incapable de travailler pour une infinité de causes et de raisons. Réaffirmer cela n’est pas anodin, à l’heure où les campagnes culturelles et certaines interventions politiques accréditent plutôt l’idée que le chômage et la pauvreté sont, non pas une condition dont il faut sortir en accompagnant les personnes, mais une culpabilité personnelle à expier. Je partage également tous vos vœux pour que le 1er mai, travailleurs et entrepreneurs s’honorent ensemble. La Doctrine sociale de l’Église a depuis longtemps indiqué cet objectif. Et le pape François a résumé en quelques mots les caractéristiques que devrait avoir le travail : être libre, créatif, participatif et solidaire. Parce que le travail ne devrait jamais être uniquement pour soi ou exclusivement destiné à produire de la plus-value. En effet, il représente la sphère fondamentale des relations humaines et constitue l’instrument principal avec lequel chacun de nous transforme le monde, jusqu’à en devenir le co-créateur. (ou co-créateur) de celui-ci. À cet égard, quelques mots de l’homélie que Don Primo Mazzolari a prononcée le 1er mai 1947, à une époque très difficile de haine et de grandes divisions de classe, sont restés gravés dans ma mémoire et, je l’espère, dans ma conscience. « L’homme a de la valeur parce qu’il travaille », disait le curé de Bozzolo, mais pas pour le pain que l’on gagne ou l’argent avec lequel on est payé, ni même pour ce que l’on produit, car « une machine produit beaucoup plus… » Pour ce prêtre-prophète, l’accent devait être mis sur le « semblable », sur le travailleur-voisin, sur l’employé. Il est mon égal, mais si je ne vois pas en lui quelque chose de divin, si je ne lui reconnais pas une valeur éternelle, qui peut empêcher mon égoïsme de l’attacher en dessous à ma place et de le faire tirer comme je fais tirer un cheval pour boire… ». ou une voiture ? L’exploiteur, l’esclavagiste est en chacun de nous, si nous ne trouvons pas la force de le presser. La loi ne suffit pas, l’organisation sociale ne suffit pas… ». Combien d' »esclavagistes » qui exploitent le travail d’autrui voyons-nous encore à l’œuvre en Italie aujourd’hui ? Dans combien d’endroits, même dans nos entreprises, tant de jeunes sont-ils « endettés », en les faisant « tirer comme des chevaux » et en les payant très peu ? Dans quelle mesure nous aussi, dans les relations internationales, « exploitons-nous » les faiblesses des autres pour notre propre confort ? « Dieu dans le camarade fait mon frère, et alors mon travail devient un acte de religion : je travaille avec Dieu dans un acte de l’âme qui embrasse toute créature », prêchait Don Primo. Et de conclure que « seuls les travailleurs chrétiens peuvent faire la révolution ». Avec le courage de dénoncer l’injustice, en luttant (pacifiquement) pour la vaincre, en s’efforçant de construire le bien commun. En se reconnaissant vraiment, comme vous le dites, « frères et sœurs du même Père ». Je vous remercie. pour votre attention et votre réflexion.