D’une part le financement record de la première émission de Btp Valore, qui s’est clôturée hier avec un montant total de plus de 18,19 milliards d’euros mis au pot par les petits épargnants. D’autre part nouvelles données de l’union bancaire Fabi, qui mettent en évidence les 50 milliards d’euros d’épargne « brûlée » en trois mois par les ménages et les entreprises qui devient 61 milliards au cours des deux dernières années. Le double chiffre qui apparaît sur les comptes des Italiens nous décrit à nouveau comme un peuple d’épargnants, mais avec une dichotomie croissante entre ceux qui peuvent encore investir pour l’avenir et ceux qui, au contraire, érodent leurs « réserves », notamment pour faire face à la poussée de l’inflation et aux taux d’intérêt élevés sur les prêts et les hypothèques. Une Italie, donc, à double vitesse, où les écarts économiques tendent à se creuser.
Pour la Btp Valore, le Ministère de l’Economie et des Finances a obtenu le résultat le plus élevé jamais atteint en termes de valeur souscrite – 18,19 milliards d’euros, mais aussi pour le nombre de contrats enregistrés, 654.675 – en un seul placement d’une obligation d’Etat pour les petits épargnants, à qui l’obligation à quatre ans était exclusivement destinée. Le Mef a confirmé hier les taux annuels minimums annoncés le 1er juin, soit 3,25% pour les 1ère et 2ème années et 4,00% pour les 3ème et 4ème années. Les souscripteurs qui conserveront l’obligation d’État pendant toute la durée des 4 ans se verront également garantir une prime de fidélité finale supplémentaire de 0,5 %. La valeur nominale moyenne des ordres a progressivement diminué pour atteindre plus de 27 000 euros, signe que la base des épargnants s’est progressivement élargie au fil des jours, mais le seuil reste élevé, témoignant de l’importance de l’épargne disponible parmi les familles italiennes impliquées dans l’opération.
« L’épargne a augmenté de manière significative en période de pandémie, parce que ceux qui ont continué à gagner de l’argent se sont retrouvés dans l’impossibilité de dépenser, il suffit de penser au gel d’activités telles que les voyages », souligne le commissaire. Innocenzo Cipolletta, président de l’Association italienne du capital-investissement, du capital-risque et de la dette privée -Cela a créé une bulle d’épargne et les familles ont trouvé un intérêt dans le Btp Valore, une obligation publique qui est facile à comprendre et à acheter et qui est détenue à moyen terme. Cette stabilité de l’épargne se traduit par une stabilité de la gestion de la dette pour l’Etat, c’est donc une situation « gagnant-gagnant » qui convient à tout le monde ». Le mérite de Btp Valore, selon Cipolletta, est aussi « d’habituer les familles à des investissements qui ne sont pas des coups partis, ce qui pourrait être un signe avant-coureur de pertes. Un jour, cette même famille pourrait aussi avoir envie d’investir à moyen terme dans des entreprises. Bien sûr, ce phénomène ne se produira pas automatiquement, il faut des politiques favorables en ce sens, mais en tout état de cause, avec les BTP, nous n’enlevons pas l’épargne qui aurait fini dans les entreprises ».
Cependant, l’opération Btp est contrebalancée par le fait que lesanalyse de Fabi, selon laquelle entre décembre 2021 et mars 2023, le solde total des comptes courants des ménages et des entreprises a diminué de plus de 61 milliards d’euros, passant de 2 076 milliards à 2 015 milliards, soit une baisse de plus de 50 milliards en seulement trois mois, de décembre 2022 à mars. « Le renchérissement du coût de l’argent par la Banque centrale, souligne le syndicat bancaire, a changé la donne pour les ménages et les entreprises, et avec un mix imparfait de taux et d’inflation, les richesses accumulées au fil des années risquent de partir très vite en fumée. Hausse effrénée des prix, renchérissement des crédits, perte de pouvoir d’achat sont quelques-unes des conséquences majeures d’un mécanisme économique pervers qui fragilise la trésorerie des Italiens et continue à peser sur leur capacité d’épargne ».
Pour de nombreux Italiens, confrontés à une période de resserrement du crédit, due également à l’effet induit par l’envolée des taux variables, puiser dans leurs liquidités en sacrifiant l’épargne reste la seule planche de salut. C’est ainsi que le solde total des dépôts et des comptes courants s’élevait en décembre 2021 à 2 076,8 milliards d’euros, qu’il s’est contracté à 2 065,5 milliards d’euros dès décembre 2022, puis qu’il est retombé à un maigre 2 000 milliards d’euros à la fin du premier trimestre 2023. À la même date, fin 2022, 153 milliards d’euros reposaient sur les dépôts à terme à moyen et long terme de la population des épargnants, en baisse de 2,4 milliards (-1,6 %) sur un an et en doublement à 4,1 milliards (-2,6 %) entre décembre 2022 et mars dernier. En fait, l’alerte rouge sur l’épargne des Italiens apparaît avec plus de vigueur à la fin du premier trimestre 2023 lorsqu’il devient clair que la difficulté économique de poursuivre une hausse des prix effrénée avec sa capacité de revenu continue d’éroder sévèrement la liquidité du système.